Le Clan de l'Est
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[La prophétie d'Étoile Bleue] Chapitre 1

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Message par Ramure du Cerf Dim 23 Fév - 1:57

Chapitre 1
« N’aurait-elle pas déjà dû ouvrir les yeux, Fleur de Lune ?
- Enfin, douce Brise, elle n’a qu’un jour. Elle les ouvrira quand elle sera prête. »
Lorsque Fleur de Lune lui donna un coup de langue râpeux sur le flanc, Petit Bleuet se blottit un peu plus contre son ventre chaud qui fleurait bon le lait.
«Petite Neige a ouvert les siens ce matin, continua Douce Brise. Et mes deux petits, presque à l’instant de leur naissance. »La queue vibrante de la reine fit frémir la litière. «Petit Léopard et Petite Pomme de Pin sont des guerriers-nés.» Un doux ronron monta de la gorge d’une troisième chatte.
« Oh, Douce Brise, tout le monde sait qu’aucun chaton ne peut rivaliser avec les deux tiens », se moqua gentiment Poil de Coquelicot.
Une Patte minuscule tapota l’épaule de Petit Bleuet.
Petite Neige ![/i]
Petit Bleuet poussa un miaulement irrité et se pelotonna tout contre Fleur de Lune.
« Allez, Petit Bleuet ! chuchota Petite Neige à l’oreille de sa sœur. Il y a tant de choses à voir dehors ! Je veux sortir, mais Fleur de Lune veut que je t’attende.
- Elle ouvrira les yeux quand elle jugera que c’est le bon moment », la gronda Fleur de Lune.
Oui, exactement, se dit Petit Bleuet.
Au réveil, Petit Bleuet sentit que sa sœur l’écrasait. Le ventre de Fleur de Lune se soulevait et s’abaissait en rythme, tout près d’elle. Douce Brise ronflait et Poil de Coquelicot dormait avec une respiration sifflante.
Petit Bleuet entendit Petit Léopard et Petite Pomme de Pin qui bavardaient dehors.
« On dirait que tu serais la souris, et moi le guerrier ! Ordonnait Petite Pomme de Pin.
- J’étais déjà la souris la dernière fois ! rétorqua Petit Léopard.
- C’est même pas vrai !
- Si, c’est vrai ! »
S’ensuivit une bagarre ponctuée de couinements belliqueux.
« Regardez où vous roulez ! » tonna un matou, ce qui les fit taire un instant.
« D’accord, c’est toi la guerrière, convint Petite Pomme de Pin. Mais je te parie que tu ne peux pas m’attraper. >>
Guerrière !
Petit Bleuet se tortilla pour se libérer du poids de sa sœur. Le vent de la saison des feuilles nouvelles s’engouffra entre les branches du roncier qui abritait la pouponnière. Il leur apporta l’odeur fraîche qui collait au pelage de son père lorsqu’il était venu les voir – l’odeur de la foret- et chassa les effluves étouffants de la mousse, du lait et des fourrures chaudes.
Un jour, je serais une guerrière ! comprit la petite chatte avec un frisson d’excitation qui l’ébranla jusqu’au bout des griffes. Pour la première fois, elle souleva ses paupières et cilla, aveuglée par les rayons de lumière qui transperçaient le toit de ronces. La pouponnière était immense !  Elle voyait les branches du roncier qui s’arc-boutaient tout là-haut, ainsi que des petites taches bleues au-delà.
Poil de Coquelicot, une reine au pelage roux sombre et à la longue queue touffue, était étendue sur le flanc près d’une paroi. Petit Bleuet la reconnut à son odeur, différence de celle de Douce Brise et de Fleur de Lune. Elle ne sentait pas le lait, n’ayant pas encore de petits. Douce Brise, pelotonnée dans un nid près de sa camarade, la queue posée sur la truffe, était à peine visible sur les fougères qui tapissaient le sol.
Le parfum le plus familier venait de derrière. Petit Bleuet se tortilla pour se tourner vers sa mère. Des rayons de soleil zébraient le pelage argenté de Fleur de Lune. Son museau était plutôt étroit et le bout de ses oreilles arrondi. Est-ce que je lui ressemble ? Petit Bleuet jeta un coup d’œil sur sa propre fourrure. Elle était duveteuse – non lisse comme celle de Fleur de Lune -, et d’un gris uniforme. Petite Neige, qui dormait sur le dos, était toute blanche, à l’exception du bout gris de ses oreilles.
« Petite Neige ! murmura-t-elle.
- Quoi ?» répondit sa sœur en ouvrant ses yeux bleus.
Est-ce que les miens sont aussi de cette couleur ?

« Tu as ouvert les yeux ! » s’écria Petite Neige. Elle se leva d’un bon. « Nous pouvons sortir de la pouponnière ! »
Petit Bleuet remarqua dans la paroi de ronces un trou juste assez grand pour permettre à deux chatons de s’y faufiler.
« Petite Pomme de Pin et Petit Léopard sont déjà dehors. On va les attaquer par surprise ! »
Poil de Coquelicot redressa la tête.
« Ne vous éloignez pas, murmura-t-elle d’une voix ensommeillée avant de mettre sa truffe sous sa queue.
- Où sont les petits de Poil de Coquelicot ? demanda Petit Bleuet à voix basse.
- - Ils n’arriveront que dans deux lunes », répondit sa sœur.
Ils arriveront ? se répéta la petite chatte grise en penchant la tête de côté. Mais d’où ?
Petite Neige se dirigeait déjà vers l’ouverture en escaladent gauchement le corps de sa mère. Sa sœur l’imita sur ses pattes mal assurées. Une fois sur le dos de Fleur de Lune, elle se laissa glisser de l’autre côté et atterrit dans la mousse moelleuse. Le nid remua et Petit Bleuet sentir une patte douce lui plaquer le bout de la queue au sol.
« Où t’en vas-tu comme ça ? »
Fleur de Lune s’était réveillée.
« Dehors. »
Les yeux brillants, la reine ronronna.
« Tu as ouvert les yeux, murmura-t-elle, soulagée.
- Oui je me suis dit que c’était le bon moment, répondit fièrement Petit Bleuet.
- Tu vois, Douce Brise ? lança Fleur de Lune d’un air satisfait. Je t’avais dit qu’il suffisait d’attendre qu’elle soit prête.
- Bien sûr, miaula Douce Brise. C’est juste que mes propres petits ont ouvert les yeux plus tôt. »
Elle se lécha une patte et se la passa sur le museau. Fleur de Lune se tourna vers ses filles.
« Alors, comme ça, vous allez découvrir le monde ?
- Pourquoi pas ? fit Petit Bleuet. Petit Léopard et Petite Pomme de Pin sortent bien.
- Ils ont tous les deux cinq lunes, leur apprit leur mère. Ils sont beaucoup plus grands que vous.
- C’est dangereux, dehors ? s’enquit Petit Bleuet, les yeux écarquillés.
- Pas dans le camp, la rassura la reine.
- Alors nous pouvons y aller ! »
- La chatte soupira, avant de se pencher pour lisser la fourrure de Petit Bleuet d’un coup de langue.
- « Que vous êtes impatients ! Petite Neige, redresse tes moustaches, ajouta-t-elle tandis qu’une étincelle de fierté s’allumait dans son regard  jaune pâle. Je veux que vous soyez impeccables pour vous montrer au Clan. »
Petite Neige obéit pendant que Petit Bleuet demandait :
« Est-ce que tu nous accompagnes ?
- Tu préférerais ?
- Non… On va attaquer Petite Pomme de Pin et Petit Léopard par surprise.
- Vos premières proies, plaisanta la reine. Allez-y, dans ce cas. »
La petite chatte grise ne se le fit pas dire deux fois.
« Ne vous mettez pas dans les pattes des guerriers ! lança Fleur de Lune alors que Petit Bleuet dépassait sa sœur et filait vers l’ouverture. Et ne vous séparez pas ! »
Les ronces griffèrent la fourrure de Petit Bleuet lorsqu’elle sortit de la pouponnière en se tortillant. Elle trébucha et se retrouva par terre, de l’autre côté, aveuglée par la lumière du soleil. Elle cilla et le camp s’ouvrit devant elle comme dans un rêve. Une vaste clairière sablonneuse s’étendait jusqu’à un rocher qui projetait une ombre si grande qu’elle venait de lui effleurer le bout des pattes. À son pied, deux guerriers partageaient une proie près d’un bouquet d’orties. Derrière eux, Petit Bleuet aperçut un arbre abattu, ses branches emmêlées comme autant de pattes maigres et sans poils. À plusieurs longueurs de queue de la pouponnière, un large buisson déployait ses branches basses au-dessus du sol. Un massif de fougères occupait un coin du camp, de l’autre côté de la pouponnière, et derrière se dressait une barrière d’ajoncs si haute que Petit Bleuet dut se tordre le cou pour en voir la cime. C’était son territoire ! Des fourmillements d’excitation lui parcoururent les pattes. Parviendrait-elle un jour à s’y repérer ?
Elle chercha du regard Petite Pomme de Pin et Petit Léopard.
« Où sont-ils partis ? » demanda-t-elle à Petite Neige.
Cette dernière inspectait le camp.
« Je ne sais pas. Regarde-moi tout ce gibier ! »
Elle contemplait un tas d’oiseaux et de souris au bord de la clairière. Un gros écureuil touffu trônait au sommet.
« La réserve ! » s’écria Petit Bleuet en bondissant en avant, la truffe frémissante.
Dans la pouponnière, elle avait entendu les reines parler de proies, et elle avait flairé l’odeur de l’écureuil sur la fourrure de sa mère. Quel goût cela aurait-il ?
Elle fourra la truffe dans le tas de gibier et essaya de planter ses griffes dans un petit mammifère au poil brun et court et à la longue queue effilée.
« Attention ! »
La mise en garde de Petite Neige vint trop tard. Les pattes de Petit Bleuet se dérobèrent sous elle lorsque l’écureuil dodu roula du sommet du tas et lui atterrit dessus. Aïe !
Les deux guerriers près du bouquet d’orties émirent des ronrons amusés.
« Je n’avais jamais vu une proie morte attaquer un chat ! miaula l’un deux.
- Attention ! la prévint le second matou. Toute cette fourrure risque de t’étouffer ! »
Les oreilles brûlantes de honte, Petit Bleuet s’extirpa de sous l’écureuil et dévisagea les chasseurs.
« Il m’est juste tombé dessus ! »
Elle ne voulait pas qu’on se souvienne d’elle comme de la chatte qui s’était fait aplatir par un écureuil mort.
« Hé, vous deux ! » Avant même de le voir, Petit Bleuet reconnut Petite Pomme de Pin car son odeur rappelait celle de la pouponnière. « Votre mère sait que vous êtes sortis ?
- Bien sûr ! » rétorqua-t-elle avant de se tourner pour voir son camarade de tanière pour la première fois.
Oh !
Elle ne s’attendait pas à ce qu’il soit si grand : elle dut lever la tête afin de le regarder dans les yeux. Sa fourrure noir et blanc était aussi lisse que celle d’un guerrier et se dressa sur ses pattes pour paraître plus grande.
Petit Léopard apparut à son tour et, du bout des pattes, elle taquina la queue de son frère. Son pelage noir luisait au soleil. Elle cessa son jeu dès qu’elle aperçut les deux sœurs.
« Petit Bleuet, tu as ouvert les yeux ! » s’exclama-t-elle.
L’intéressée se lécha le poitrail dans une tentative de lisser ses poils duveteux. Si seulement sa fourrure pouvait briller autant que la leur !
« Nous pouvons vous faire visiter, proposa Petit Léopard d’un ton enjoué.
- Oh oui, s’il te plaît ! » s’écria Petite Neige en bondissant autour de son aînée.
La queue de Petit Bleuet battit l’air en signe d’irritation. Elle ne voulait pas qu’on lui montre son territoire, elle voulait l’explorer toute seule ! Mais Petit Léopard trottait déjà vers le massif de fougères près de la barrière d’ajoncs.
« C’est la tanière des apprentis, annonça-t-elle.
Nous, nous y dormirons dans une lune. »
Petite Neige se lança à ses trousses.
« Tu viens ? » miaula Petite Pomme de Pin en donnant un léger coup de museau au chaton gris.
Petit Bleuet avait tourné la tête vers la pouponnière.
« Ton ancien nid ne te manquera pas ? » s’enquit-elle.
L’idée de quitter un jour la pouponnière l’angoissait. Elle aimait tant dormir près de Fleur de Lune !
« Tu rigoles ? s’esclaffa Petite Pomme de Pin en s’élançant à la suite de sa sœur. J’ai hâte de pouvoir rejoindre ma nouvelle tanière. Ce sera chouette de pouvoir bavarder sans que Douce Brise nous dise de nous taire parce qu’il est l’heure de dormir. »
Alors que Petit Bleuet se pressait derrière lui, les fougères frémirent et un museau pointa entre les frondes.
« Une fois que tu auras commencé l’entraînement, tu seras bien content d’aller dormir, bâilla l’apprentie à la mine ensommeillée.
- Bonjour, Nuage Cendré ! » lança Petite Pomme de Pin en s’arrêtant net devant la jeune chatte écaille qui s’étirait sur le seuil de la tanière.
Petit Bleuet admira le pelage épais et luisant de la femelle. Ses épaules musclées se contractèrent lorsqu’elle bondit des fougères pour atterrir à côté de Petite Pomme de Pin. Soudain, ce dernier ne lui parut plus si grand.
« Nous faisons visiter le clan à Petit Bleuet et Petite Neige, annonça Petit Léopard. C’est leur première sortie.
- N’oublie pas de leur montrer où faire leurs besoins, plaisanta Nuage Cendré. Nuage Blanc se plaignait ce matin encore d’avoir à nettoyer la pouponnière. Voilà des mois qu’elle est remplie de chatons, et ce n’est pas fini.
- Petite Neige et moi, nous garderons nos nids propres, annonça Petit Bleuet en relevant la tête.
- Je le dirai à Nuage Blanc quand elle reviendra de chasse. Je suis sûre qu’elle sera ravie de l’apprendre », répondit l’apprentie dans un frémissement de moustaches.
Elle se moque de moi ? se demanda Petit Bleuet.
« J’ai hâte de partir chasser ! » s’écria Petite Pomme de Pin en adoptant la position du chasseur, la queue dressée comme un serpent. Vive comme le vent, Nuage Cendré la lui rabattit d’un coup de patte.
« N’oublie pas de baisser ta queue, ou ta proie t’entendra te faufiler dans les feuilles. »
Petite Pomme de Pin raidit sa queue et l’aplatit contre le sol.
Petite Neige réprima un ronron amusé.
« Elle dépasse comme une brindille », souffla-t-elle à l’oreille de Petit Bleuet.
Celle-ci était trop concentrée pour répondre. Elle fixait Petite Pomme de Pin, ça façon de presser son poitrail contre terre, de sortir les griffes et de rentrer ses pattes arrière sous son corps. Je serai la meilleure chasseuse que le Clan du Tonnerre ait jamais connue, se promit-elle.
« Pas mal », lança Nuage Cendré à Petite Pomme de Pin. Puis elle se tourna vers Petit Léopard. « Et toi, comment tu t’en tires avec la position du chasseur ? »
Petit Léopard s’exécuta aussitôt.
Petit Bleuet mourait d’envie d’essayer à son tour, mais elle préférait attendre de s’être entraînée seule.
« Allez, on les laisse tranquilles, murmura-t-elle à Petite Neige.
- Tu veux partir ? s’étonna sa sœur.
- Oui, on peut expliquer toutes seules. »
Petit Bleuet voyait là une occasion de s’éclipser discrètement.
« Mais c’est marrant de rester avec…»
Petit Bleuet ne l’attendait plus. Elle rebroussait déjà chemin. Elle aperçut le buisson bas et étendu près de la pouponnière. Elle fila se cacher sous ses branches. Lorsqu’elle reprit son souffle, elle flaira des tas d’odeurs différentes sur les feuilles. Combien de félins le Clan du Tonnerre comptait-il ? Est-ce qu’ils tenaient vraiment tous dans le camp ?
Les branches remuèrent et Petite Neige apparut près d’elle.
« Je ne pensais pas que tu viendrais ! couina Petit Bleuet.
- Fleur de Lune nous a dit de ne pas nous séparer », lui rappela sa sœur.
Elles jetèrent un coup d’œil à l’extérieur pour voir si Petit Léopard, Petite Pomme de Pin et Nuage Cendré avaient remarqué leur disparition. Les trois jeunes félins contemplaient la pouponnière d’un drôle d’air.
Nuage Cendré haussa les épaules.
« Elles ont dû retourner dans leur nid, hasarda-t-elle.
- Peu importe, répondit Petite Pomme de Pin en tournant autour de Nuage cendré. Maintenant, tu vas pouvoir nous emmener à la combe sablonneuse, comme promis. »
La combe sablonneuse ? Qu’est-ce que c’est ? se demanda Petit Bleuet, qui commençait à regretter de ne pas être restée avec les trois autres.
« Je n’ai rien promis ! se récria Nuage Cendré.
- Et nous aurons de gros ennuis si nous nous faisons prendre, ajouta Petit Léopard. Nous ne sommes pas censés sortir du camp avant d’être apprentis, je te rappelle !
- Il suffit de ne pas se faire prendre », miaula Petite Pomme de Pin.
Nuage Cendré inspecta la clairière d’un air hésitant.
« Je vous emmènerai jusqu’au bord du ravin, proposa-t-elle. Mais pas plus loin. »
Bouillant de jalousie, Petit Bleuet regarda Nuage Cendré conduire Petit Léopard et Petite Pomme de Pin vers la barrière d’ajoncs et disparaître par une ouverture proche du sol.
Nous pouvons peut-être les suivre pour voir où ils vont…
Soudain, un coup de truffe dans l’arrière-train la délogea de sa cachette. Sa sœur atterrit dans la clairière juste après elle, et un museau gris surgit des feuilles.
« Qu’est-ce que vous fichez ici ? C’est le repaire des guerriers !
- Dé-désolée ! » balbutia Petite Neige en reculant. Petit Bleuet se dresse devant le matou et riposta : « Et comment pouvait-on le savoir ? »
Est-ce que les guerriers ont une odeur spéciale qu’on aurait dû reconnaître ?
Le chasseur plissa les yeux et demanda :
« Vous êtes les deux filles de Fleur de Lune ? »
Le pelage de Petite Neige se gonfla, et elle baissa les yeux.
Petit Bleuet, elle, releva le menton. Elle n’avait pas peur de ce guerrier grincheux.
« Oui. Je m’appelle Petit Bleuet. Et voici ma sœur, Petite Neige. »
Le matou s’extirpa du buisson. Il était plus grand encore que Nuage Cendré. Petit Bleuet recula d’un pas.
« Je m’appelle Pelage de Pierre, déclara-t-il. Vous cherchez Plume de Tempête ?
- Il est là ? s’enquit Petite Neige, qui avait relevé la tête ?
- Non. Parti chasser.
- En faite, nous ne le cherchions pas, le détrompa Petit Bleuet, même si elle aurait bien aimé voir à quoi ressemblait son père, à présent qu’elle avait ouvert les yeux. On voulait éviter Petite Pomme de Pin et Petit Léopard.
- Vous jouiez à cache-cache, j’imagine, soupira-t-il.
- Non, le corrigea-t-elle. Ils comptaient nous faire visiter le camp, mais on préfère l’expliquer seules.
- Un bon guerrier apprend avant tout de ses semblables.
- Nous… nous pensions que ce serait plus drôle comme ça, balbutia Petite Neige.
- Eh bien, ce n’est pas drôle  du tout de se faire tirer d’un repos bien mérité par des chatons bruyants.
- On est désolées, s’excusa la petite chatte blanche. On ne savait pas.
- Voilà ce qui arrive quand on laisse des chatons sans surveillance », grogna le matou. Il se tourna vers le tas de gibier. « Puisque je suis réveillé, autant aller manger. »
Après un battement de queue agacé, il traversa la clairière en les laissant seules.
Petite Neige se tourna vers sa sœur.
« T’étais vraiment obligée d’aller te cacher dans la tanière des guerriers ?
- Comment j’aurais pu le savoir ? rétorqua Petit Bleuet.
- On l’aurait su si on était restées avec Petite Pomme de Pin ! »
La petite chatte grise remua les oreilles. À présent, elles savaient au moins où se trouvaient la tanière des apprentis et celle des guerriers. Elles étaient sorties pour explorer le camp, pas vrai ? Elle regarda à l’autre bout de la clairière et attendit que sa vision se précise. Lorsque le rocher tout là-bas devint enfin net, elle remarqua la terre remuée à son pied. Les empreintes qui marquaient le sol disparaissaient devant un rideau de lierre. Qu’est-ce que cela signifiait ?
« Suis-moi ! » murmura-t-elle à l’oreille de sa sœur, oubliant qu’elle était fâchée avec elle.
Elle courut jusqu’au lierre.
« Il y a une ouverture ! »
Tout excitée, Petit Bleuet s’engouffra à l’intérieur et se retrouva dans une grotte silencieuse. Le sol et les parois étaient lisses et un nid de mousse vide occupait un côté.
« C’est une tanière, lança-t-elle à Petite Neige, restée dehors.
- Oui, celle d’Étoile de Sapin », lui répondit une voix qui n’était pas celle de sa sœur.
Petit Bleuet se figea un instant puis ressortit prudemment de l’antre. Allait-elle encore avoir des ennuis ?
Un matou au pelage argenté et aux yeux ambrés était assis près de Petite Neige.
« Bonjour, Petit Bleuet.
- Comment connais-tu mon nom ? s’étonna-t-elle.
- J’étais présent le jour de ta naissance. Je suis Longues Moustaches, l’apprenti du guérisseur. Tu ne devrais pas entrer là si tu n’y es pas invitée, ajouta-t-il avec douceur mais fermeté.
- Je ne savais pas que c’était la tanière de notre chef. Je me demandais juste ce qui se trouvait derrière le lierre, expliqua Petit Bleuet en regardant ses pattes. Tu vas le dire à Étoile de Sapin ?
- Oui. »
Le cœur de la petite chatte se serra.
« Cela vaut mieux, poursuivit-il. Il flairera ton odeur, de toute façon. » Devant la mine inquiète de Petit Bleuet, il ajouta : « Ne t’en fais pas. Il ne sera pas fâché. Il admirera sans doute ta curiosité.
- Alors je peux entrer moi aussi ? intervint Petite Neige.
- Un chaton curieux, passe encore. Mais deux ! » répondit Longues Moustaches avec un ronronnement amusé.
Petite Neige laissa retomber sa queue, déçue.
« Je suis certain que tu auras l’occasion d’y entrer une autre fois, la réconforta-t-il. Et si vous veniez avec moi pour que je vous présente aux anciens? Ils aiment bien faire la connaissance des derniers-nés. »
Une fois encore, elles se retrouveraient chaperonnées ! Petit Bleuet ravala son agacement en repensant aux paroles de Pelage de Pierre : « Un bon guerrier apprend avant tout de ses semblables. »
Longues Moustaches les conduisit à l’Arbre couché et se glissa sous une branche. Petit Bleuet l’imita, suivie de Petite Neige.
De l’herbe, des fougères et de la mousse poussaient entre les branches mortes et donnaient à l’écorce pourrissante une teinte verte digne de la saison des feuilles nouvelles. Petit Bleuet s’y faufila à la suite de Longues  Moustaches jusqu’à une trouée dans cet écheveau de branches. Un matou brun à la fourrure négligée était couché, dos au tronc. Une femelle écaille lui nettoyait les oreilles à grands coups de langue. Un autre mâle, au pelage rouge clair, mangeait une souris à l’autre bout de la tanière.
La chatte écaille leva la tête à l’approche de Longues Moustaches.
« As-tu apporté de la bile de souris ? lui demanda-t-elle avec espoir. Patte Tremblante a encore attrapé une tique.
- Il insiste pour aller chasser tous les jours, déclara le rouquin. C’est normal qu’il rapporte des tiques.
- Le jour où je ne chasserais plus, Herbe Folle, sera celui où tu pourras veiller ma dépouille, miaula Patte Tremblante.
- Moi non plus, je ne cesserai jamais de chasser, déclara Herbe Folle en prenant une autre bouchée de souris. Il n’Y a pas suffisamment d’apprentis pour nourrir tout le monde, ces temps-ci.
- Petite Pomme de Pin et Petit Léopard commenceront bientôt leur apprentissage, leur rappela Longues Moustaches. Et nous avons deux autres boules de poils qui y viendront à leur tour. »
Il s’écarta pour leur montrer Petit Bleuet et Petite Neige.
Herbe Folle oublia un instant son repas et releva la tête. Patte Tremblante s’assit, les oreilles dressées.
« Des chatons ! » s’écria la femelle, l’œil brillant. Elle se précipita vers eux et donna un coup de langue baveux à Petit Bleuet, qui recula aussitôt et s’essuya la joue du bout de la patte. Le chaton se retint de ronronner de rire en voyant sa sœur recevoir le même traitement.
« C’est la première fois que les filles de Fleur de Lune sortent de la pouponnière, Plume d’Alouette, expliqua Longues Moustaches. Je les ai surprises, alors qu’elles tentaient d’installer leur litière dans l’antre d’Étoile de Sapin.
- Ce n’est pas…, protesta Petit Bleuet.
- N’écoute pas Longues Moustaches, l’interrompit Plume d’Alouette. Il asticote tout le monde. C’est l’un des privilèges des guérisseurs.
- Je suis apprenti guérisseur, la corrigea-t-il.
- Peuh ! fit Patte Tremblante. En réalité, tu accomplis toute les tâches de Plume d’Oie pendant que ce vieux paresseux prétend chercher des herbes.
- Chut ! Pesta Plume d’Alouette en toisant son camarade d’un œil dur. Plume d’Oie fait de son mieux.
- C’est ça. Quel genre d’herbe est-il censé cueillir, ce matin ?
- De la consoude.
- Eh bien, je l’ai vu prendre le soleil près de l’Arbre aux Chouettes, profondément endormi. Il m’a fallu du temps pour attraper ça, ajouta-t-il en désignant du bout de la queue la pièce de viande que dégustait Herbe Folle.
- Plume d’Oie m’a beaucoup appris, répondit Longues Moustaches pour défendre son mentor. Et il connaît toutes les propriétés des plantes de la forêt.
- Ce qui serait utile s’il se donnait la peine de les récolter, marmonna Patte Tremblante.
- Ne faites pas attention à lui, miaula Longues Moustaches à l’intention de Petit Bleuet et de Petite Neige. Plume d’Oie et Patte Tremblante n’ont jamais pu s’entendre.
- Et tu ne devrais pas dire des choses pareilles devant ces chatons, Patte Tremblante, le rabroua Plume d’Alouette. Tu sais que Plume d’Oie est leur oncle.
- Ah bon ? s’étonna Petit Bleuet.
- Oui, c’est le frère de votre mère, expliqua Plume d’Alouette avant de passer sa queue autour des deux petites pour les faire approcher. Venez donc vous présenter, nous voulons tout savoir !
- Je m’appelle Petit Bleuet, et voici ma sœur, Petite Neige. Notre mère, c’est Fleur de lune, notre père, Plume de Tempête. Et aujourd’hui nous avons eu le droit de sortir de la pouponnière pour la première fois ! »
Herbe Folle se lécha les babines en avalant la dernière bouchée de souris.
« Bienvenue dans le Clan, chères petites. Je suis sûr que vous allez très vite faire des bêtises. Les chatons ne peuvent pas s’en empêcher !
- Petit Léopard et Petite Pomme de Pin aussi ?
- Je ne connais pas un seul chaton qui n’en ait pas fait ! » ronronna Plume d’Alouette.
Petit Bleuet fut aussitôt soulagée. Elle ne voulait pas être la seule à tout faire de travers… Comme se faire écrabouiller par un écureuil mort !
« Il est grand temps qu’Étoile de Sapin les laisse devenir apprentis, miaula Patte Tremblante de sa voix rauque. Ils ont trop de temps libre. Chaque fois que je me rends au tas de gibier, je tombe sur l’un ou l’autre, et ils remuent de la poussière avec leurs jeux idiots.
- Je demanderai à Douce Brise si je peux les emmener dans la forêt pour cueillir des plantes, demain, annonça Longues Moustaches. Ça devrait les occuper un moment.
- Dans la forêt ? s’étonna Petit Bleuet.
- Oui, nous ne nous éloignerons pas trop du camp. »
Ce devait être là que Nuage Cendré avait emmené Petite Pomme de Pin et Petit Léopard. Petit Bleuet se demanda ce qu’il y avait d’autre au-delà de la clairière et des tanières.
Près d’elle, Petite Neige bâilla.
« Longues Moustaches, tu ferais mieux de les ramener à leur mère, conseilla Plume d’Alouette. Petite Neige dort debout. »
Petit Bleuet prit soudain conscience qu’elle avait mal aux pattes et que son ventre gargouillait. Mais elle ne voulait pas partir. Elle voulait en apprendre d’avantage. À quoi ressemblait la tique de Patte Tremblante, par exemple ? Où se trouvait Plume d’Oie ?
« Venez, ordonna Longues Moustaches en les entraînant hors de la tanière.
- Comment peut-on apprendre quoi que ce soit si on reste dans la pouponnière ? protesta Petit Bleuet.
- Tu en apprendras davantage une fois reposée, répondit Plume d’Alouette.
- Revenez nous voir bien vite ! » lança Herbe Folle.
Petit Bleuet traversa la clairière en trébuchant. Alors que son esprit était en ébullition, la fatigue engourdissait ses pattes. Elle fut soulagée lorsque, d’un petit coup de museau, Longues Moustaches la poussa dans la pouponnière.
« Qu’avez-vous vu, mes petites ? s’enquit Fleur de Lune tandis que Petit Bleuet et sa sœur se pelotonnaient contre elle.
- Tout, répondit Petit Bleuet dans un bâillement.
- Non, pas tout, ma chérie, la détrompa la reine, amusée.  Vous avez encore une forêt entière à explorer. Et cette forêt n’est qu’une partie des territoires des Clans. Au-delà se trouvent d’autres terres : la Grotte de la Vie, les Hautes Pierres…
- Le monde est grand comment ? murmura Petite Neige, qui s’endormait déjà.
- Seul le Clan des Étoiles le sait. »
Petit Bleuet s’imaginait des arbres, des fougères, des orties et des ajoncs s’étendant à perte de vue, sous un ciel infini.
« Mais mes pattes sont trop petites pour me porter si loin », protesta-t-elle.
Tandis que ces visions se muaient en rêves, elle entendit sa mère murmurer :
« Elles vont grandir, ma douce, et un jour, elles seront assez fortes pour te porter jusqu’au bout du monde. »[/i]
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