Le Clan de l'Est
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[La prophétie d'Étoile Bleue] Chapitre 3

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Message par Ramure du Cerf Dim 2 Mar - 4:18

Plongée dans un sommeil profond, Petit Bleuet rêvait qu’elle bondissait pour attraper un papillon au vol. Lorsqu’elle le plaqua au sol, ses ailes lui chatouillèrent la truffe. Curieuse de le voir s’envoler, elle le relâcha. Il fila aussitôt hors de sa portée, et pourtant sa truffe la chatouillait toujours.
Elle se réveilla en éternuant.
Le bout d’une queue touffue dépassait du nid bien rempli de Poil de Coquelicot et glissait contre le museau de Petit Bleuet. Celle-ci l’écarta d’un coup de patte irrité. Elle avait trop chaud et étouffait sous le poids de sa sœur qui s’était endormie sur elle. Elles n’étaient plus les petites dernières de la pouponnière, à présent. Quatre lunes plus tôt, Poil de Coquelicot avait mis bas : deux femelles et un mâle, qui s’appelaient Petite Mousse, Petite Rose et Petite Épine à cause de son pelage gris et blanc dressé dans tous les sens. Heureusement, il était plus doux qu’un buisson de ronces ! Petite Neige avait baptisé Petite Rose d’après la couleur rose orangé de sa queue. Et Petite Mousse, qui était blanche avec des taches écaille, avait reçu son nom en hommage à la mère d’Étoile de Sapin, Mousse de Bruyère.
Si Petit Bleuet s’était d’abord réjouie d’avoir de nouveaux camarades, elle s’était rapidement sentie à l’étroit dans la pouponnière, même si Fleur de Lune dormait dans l’antre des guerriers presque toutes les nuits. Petite Épine, Petite Mousse et Petite Rose grandissaient vite et ne cessaient de s’échapper du nid de Poil de Coquelicot. Comme si cela ne suffisait pas, Perce-Neige avait elle aussi mis bas et, depuis, Petit Fauve et Petite Boule Dorée couinaient et remuaient sans arrêt.
Ils dormaient, à présent. Cependant, lorsque Petit Bleuet referma les yeux, Poil de Coquelicot grogna dans son sommeil et se retourna en soupirant. Petite Épine roule vers sa mère, posa le menton sur son flanc et se mit à ronfler bruyamment.
Aucune chance que j’arrive à me rendormir…
La petite chatte grise se leva et s’étira si longuement que sa queue frémit. Depuis le début de la saison des feuilles mortes, les matinées étaient fraîches et, même s’il faisait bon dans la pouponnière, des filets d’air froid s’infiltraient parfois entre les ronces. Elle feta un coup d’œil vers le nid de Perce-Neige et envia l’épaisse fourrure de Petit Fauve, si abondante autour de son cou qu’on aurait dit une crinière de lion. Petite Boule Dorée, dont les poils lisses lui donnaient l’air bien plus mince que son frère, remua pour se blottir contre leur mère.
Petit Bleuet s’éclipsa de la pouponnière en prenant soin de ne réveiller personne. L’aube n’allait pas tarder. Le ciel semblait aussi gris et doux qu’une aile de colombe. Elle reconnut les odeurs de Queue de Moineau, Vol-au-Vent et Croc de Vipère qui flottaient dans l’air. Des feuilles sèches et brunes tombaient des arbres en tourbillonnant et se posaient doucement dans la froide clairière. Elle pressa ses pattes contre le sol pour s’empêcher d’en attraper une au vol. Ça, c’était bon pour les chatons. Et elle, elle serait bientôt apprentie.
Elle inspira profondément, la gueule entrouverte afin de laisser le parfum de la forêt imprégner son palais. L’odeur de l’humus rappelait le riche parfum d’une proie encore chaude. Elle en eut l’eau à la bouche. Il lui tardait de s’élancer sous les arbres, au-delà du tunnel d’ajoncs. Elle se dirigea vers son entrée et huma les fragrances appétissantes qui s’en échappaient. Elle tendit un peu plus le museau pour jeter un coup d’œil à l’intérieur.
« Tu veux sortir ? »
La question de Pelage de Soleil la fit sursauter et elle se retourna d’un bond.
« Je ne faisais que regarder, se défendit-elle.
- Je t’emmène dans la forêt, si tu veux, lui proposa le lieutenant.
- Et Étoile de Sapin ? Il ne sera pas fâché ?
- Pas si tu es avec moi.
- Et si j’allais chercher Petite Neige ? Je parie qu’elle voudrait venir aussi.
- Laisse-la donc dormir », lui répondit-il d’un ton doux tout en se faufilant dans le tunnel.
Petit Bleuet le suivit, folle d’impatience. Sa queue frôla le sol, que le passage des guerriers avait aplani au fil des lunes.
Lorsqu’elle émergea de l’autre côté, les odeurs de la forêt envahirent sa truffe et sa gueule. Feuilles, terre, mousse, gibier – des saveurs si riches qu’elle en sentait presque le goût sur sa langue. Un courant d’air pur lui ébouriffa les moustaches. Loin des senteurs familières du camp, il lui parut étrange et sauvage. Tout autour d’elle, le sol jonché de feuilles mortes aux teintes fauves évoquait un pelage écaille et les formes sombres des fourrés entre les arbres étaient presque inquiétantes.
Pelage de Soleil l’entraîna le long d’un sentier battu menant au pied d’une côté si abrupte que Petit Bleuet dut se tordre le cou pour en voir la fin.
« Nous sommes au cœur du territoire du Clan du Tonnerre, expliqua le lieutenant. Là-haut, au sommet du ravin, la forêt s’étend de tous côtés jusqu’aux frontières.
- Tu arrives à grimper jusque-là ? » s’étonna la petite chatte.
Elle fouilla la pente des yeux afin de deviner quel itinéraire empruntaient ses camarades pour éviter les rochers et les buissons qui saillaient au-dessus de leur tête.

« Voici le chemin le plus facile. »
Le matou gagna une sente entre deux rocs massifs où un glissement de terrain avait unifié le sol. Il y bondit puis se hissa sur l’un des rochers.
« à ton tour », lança-t-il.
Du bout de la patte, Petit Bleuet tapota la base de l’éboulis. S’il était facile de progresser sur les premières longueurs de queue, la montée devenait ensuite plus abrupte et elle finit par glisser sur les pierres. Le cœur battant, elle fit un saut désespéré vers le rocher où le matou l’attendait et dut s’aider de ses griffes pour le rejoindre.
Peu fière d’elle, elle s’ébroua.
« Avec de l’entraînement, ça devient plus facile », la rassura-t-il.
Pelage de Soleil lui tourna le dos et s’engagea dans une tranchée boueuse qui sinuait à flanc de ravin. Elle s’arrêtait au pied d’un autre rocher gigantesque.
Il ne s’attend quand même pas à ce que je grimpe là-dessus ? se demanda Petit Bleuet, horrifiée.
Les yeux plissés, Pelage de Soleil levait le museau vers la surface lisse.
« Vois-tu les creux et les aspérités qui pourraient t’aider ? »
Elle examina le roc et finit par remarquer des rainures et des lézardes dans la pierre : un creux sur le côté lui permettrait de prendre appui, elle pourrait glisser ses griffes dans une fissure juste au-dessous, une brèche bien pratique s’ouvrait un peu plus haut. Est-ce que ces petits défauts dans la pierre suffiraient pour qu’elle puisse atteindre le sommet ?
Elle attendit que Pelage de Soleil ouvre la voie, mais, d’un mouvement du museau, il l’invita à commencer.
« Passe en premier. Je serai juste derrière toi au cas où tu glisserais. »
Petit Bleuet sortit les griffes. Je ne glisserai pas.
Elle se ramassa sur ses pattes arrière et, les yeux rivés à la première fissure, elle se prépara à bondir. Tremblant sous l’effort, elle sauta, planta une griffe dans la lézarde et, prenant appui dans le creux avec ses pattes arrière, elle se hissa plus haut. Elle s’émerveilla d’atteindre si vite la brèche suivante, dont elle se servit pour grimper plus haut encore et, comme par miracle, elle se retrouva au sommet, pantelante.
En jetant un coup d’œil en arrière, elle vit Pelage de Soleil. Il lui semblait bien petit, tout en bas. Avait-elle vraiment réussi à monter si haut avec si peu de prises ? Elle était au même niveau que la cime des arbres bordant le camp et voyait devant elle les branches faîtières d’où les écureuils l’avaient narguée tout au long de la saison des feuilles vertes.
« Belle ascension ! la félicita Pelage de Soleil lorsqu’il l’eut rejoindre. À présent, quel chemin faut-il prendre, à ton avis ? »
Les buissons et les arbrisseaux se dressaient vers elle. Leurs racines s’emmêlaient dans le sol rocailleux et les maintenaient fermement plantés dans la pente abrupte. Elle aperçut un sentier escarpé mais bien visible qui serpentait autour du tronc d’un noisetier.
« Par là ! » miaula-t-elle.
Sans attendre de réponse, elle s’élança et suivit les méandres entre les rochers qui couronnaient le ravin. Elle était presque au sommet ! La forêt n’était plus qu’à quelques longueurs de queue.
Soudain, elle glissa.
La panique la saisit lorsqu’elle sentit le sol se dérober et son corps partir en arrière. Elle gémit tout en patinant des pattes pour trouver une prise.
Un obstacle moelleux interrompit sa chute.
« Tout va bien ! » lança Pelage de Soleil, qui s’était placé sous elle pour la rattraper. Il la prit par la peau du cou.
Petit Bleuet retint son souffle en voyant le vide derrière eux. Toute tremblante, elle tendit les pattes vers le sol et le matou la lâcha dès qu’elle eut retrouvé son équilibre.
« Désolée, miaula-t-elle. Je n’aurais pas dû aller si vite.
- Quand tu seras plus grande et que tu auras plus de force dans tes pattes arrière, tu pourras passer par ici, répondit-il en lui donnant, du bout de la queue, une pichenette sur l’oreille. Pour l’instant, nous allons passer par là. »
Petit Bleuet suivit son regard : il s’agissait d’une piste rocailleuse qui longeait le ravin en serpentant entre des rochers plus petits. Elle le suivit en prenant soin de mettre ses pas dans les siens. À une longueur de queue du sommet, la piste donnait sur une muraille de pierre qui les surplombait. Petit Bleuet sentait déjà le lourd parfum de la forêt et elle apercevait quelques branches qui pointaient au-dessus su roc.
D’un bond, Pelage de Soleil franchit l’obstacle. Petit Bleuet prit une inspiration et sauta, les pattes tendues vers la végétation qui poussait au sommet de la pierre. Elle s’y agrippa et tenta de se hisser dans l’herbe. Du coin de l’œil, elle vit que le lieutenant se penchait vers elle pour la prendre une fois encore par la peau du cou.
« Je peux le faire ! » ahana-t-elle sans lui laisser le temps de la toucher.
Elle ignora la douleur qui saisit ses muscles lorsqu’elle redoubla d’efforts et, peu à peu, hors d’haleine, elle finit par atteindre le sommet.
« Bravo », la félicita le matou.
Retenant son souffle, Petit Bleuet jeta un coup d’œil en bas du ravin. Le camp était à peine visible à travers les arbres. Elle se tourna alors vers la forêt. Des buissons bordaient la lisière et les arbres se succédaient jusqu’à disparaître dans l’ombre. Les branches frémissaient et craquaient sous les assauts du vent. Un frisson d’excitation parcourut la petite chatte.
« C’est là que les chasseurs viennent tous les jours ? murmura-t-elle.
- Oui. Et tu les accompagneras bientôt. »
Je veux aller avec eux toute de suite !
Soudain, Pelage de Soleil se crispa. Il scrutait les arbres, les yeux ronds. Un instant plus tard, ils entendirent l’écho d’une course-poursuite venu du cœur de la forêt. La cavalcade se rapprocha, les taillis tremblèrent et Petit Bleuet put enfin distinguer les silhouettes fantomatiques de plusieurs guerriers.
« Qui est-ce ? s’enquit-elle en se blottissant contre le lieutenant.
- La patrouille de l’aube, répondit-il sèchement. Il se passe quelque chose. »
Queue de Moineau jaillit d’un massif de fougères, ses yeux jaunes brillant dans la lumière du jour naissant. Il s’arrêta devant eux en dérapant. Croc de Vipère, Vol-au-Vent et Plume de Grive s’immobilisèrent derrière lui.
« Qu’est-il arrivé ? demanda Pelage de Soleil.
- Le clan du Vent nous a volé du gibier ! feula Queue de Moineau. Nous devons avertir Étoile de Sapin. »
Sans plus attendre, il s’élança dans la pente, suivi de près par ses patrouilleurs.
« Rentrons », déclara Pelage de Soleil, qui disparut aussitôt derrière des camarades.
Petit Bleuet tremblait. Une guerre se préparait-elle ? Le soleil qui pointait à l’horizon déversait sa lumière sur la forêt et nimbait de rose la cime des arbres. Un sentiment de fierté et d’excitation lui gonfla la poitrine. C’était là son territoire et son Clan avait des ennuis. Elle savait sans l’ombre d’un doute qu’elle était prête à tout pour aider ses camarades. Elle glissa plus qu’elle ne descendit jusqu’au fond du ravin, bien décidée à ne pas se laisser distancer.
Elle avait perdu de vue les autres guerriers lorsqu’elle s’engagea dans le tunnel d’ajoncs en priant pour n’avoir rien manqué.
Au milieu de la clairière, Queue de Moineau faisait son rapport à Étoile de Sapin. Inquiets, les autres membres du Clan s’étaient regroupés autour d’eux. Pelage de Pierre et Plume de Tempête, que leur fourrure grise faisait ressembler à des ombres, quittèrent le bouquet d’orties. Des branches de l’arbre abattu remuèrent lorsque Herbe Folle s’extirpa de la tanière des anciens, suivi par Plume d’ Alouette et Patte Tremblante. Plume de Rouge-Gorge faisait les cent pas devant la pouponnière, les oreilles dressées.
Alors que Plume Cendrée n’était guerrière que depuis une lune, elle se comportait déjà comme un lieutenant et poussa Nuage de Pomme de Pin, qui sortait de la tanière des apprentis.
« Écarte-toi de mon chemin, c’est important ! feula-t-elle. Dépêche-toi, Œil Blanc.
Nuage Blanc avait reçu son nom de guerrière en même temps que Plume Cendrée. Petit Bleuet avait trouvé bien cruel qu’Étoile de Sapin la nomme d’après l’œil vitreux qui défigurait son joli museau, mais cela n’avait pas eu l’air de déranger la chatte gris perle. Celle-ci suivit sa camarade avec son expression imperturbable habituelle et passa devant Nuage de Pomme de Pin en s’excusant d’un haussement d’épaules.
« Petit Bleuet ! miaula Fleur de Lune en sortant du tunnel de fougères, les yeux ronds d’inquiétude. Je te cherchais partout ! Tu es sortie ? Tu sais que tu n’as pas le droit de quitter le camp ! » la gronda-t-elle.
La petite chatte voulut lui expliquer que Pelage de Soleil l’avait accompagnée, mais Plume d’Oie et Longues Moustaches émergèrent à leur tour du tunnel et entraînèrent sa mère.
« Tu viens ? » demanda Douce Brise à Petit Bleuet, qui la suivit en hochant la tête.
Elle parlerait à Fleur de Lune plus tard.
Les yeux plissés, Étoile de Sapin s’entretenait avec les patrouilleurs.
« Vous avez trouvé du sang à l’intérieur de nos frontières ?
- Oui, confirma Queue de Moineau. Du sang d’écureuil. Tout frais. »
Petit Bleuet s’assit près de Douce Brise.
« Est-ce qu’il va y avoir une bataille ? demanda-t-elle à la guerrière.
- J’espère que non. »
Petite Neige les rejoignit en courant, la fourrure gonflée par l’excitation.
« Imagine, s’il y avait une guerre ! »
Croc de Vipère, qui allait et venait devant le chef, gronda :
« Les chasseurs du Clan du Vent ont dû le tuer ce matin et le rapporter jusqu’à leur territoire en passant par les Quatre Chênes.
- Vous êtes sûrs que ce sont bien les guerriers du Clan du Vent qui l’ont attrapé ? s’enquit Douce Brise.
- Oui ! Leur odeur était partout ! rapporta Plume de Grive, qui, les poils hirsutes, semblait terrifié. À nous donner des haut-le-cœur.
- Cela dit, il n’y avait aucune marque sur les buissons, fit remarquer Vol-au-Vent en penchant la tête de côté. Et si c’étaient les rafales de vent qui nous avaient apporté leur odeur depuis la lande ?
- Les rafales ? répéta Queue de Moineau, incrédule.
- Tu parles d’une coïncidence ! répliqua Croc de Vipère. Du sang d’écureuil et l’odeur du Clan du Vent ? Nos ennemis ont franchi la frontière pour nous voler notre gibier !
- Et si cet écureuil avait été tué par un autre prédateur ? suggéra Étoile de Sapin. N’avez-vous pas flairé la présence d’un renard ?
- Rien de frais, en tout cas, répondit Croc de Vipère.
- Mais il y avait bien une odeur de renard ? insista Étoile de Sapin.
- Il y a des traces de renard partout, si on cherche bien ! répondit Queue de Moineau en sortant les griffes.
- Ce n’est pas la première fois que le Clan du Vent nous fait le coup, déclara Patte Tremblante, qui s’approchait clopin-clopant.
- Oui, la saison des feuilles mortes les rend toujours nerveux, confirma Pelage de Pierre. Les lapins regagnent leurs terriers alors que le gibier reste abondant dans la forêt. Ce ne serait pas la première fois que la faim pousse ces guerriers par-delà les Quatre Chênes jusqu’à notre frontière.
- Et ce ne sera pas la dernière, ajouta Queue de Moineau, la mine sombre.
- Ils ne peuvent pas souffrir de famine ! s’indigna Douce Brise. La saison des feuilles mortes n’est même pas finie.
- Pourquoi n’ont-ils pas plutôt volé le gibier du Clan de la Rivière ou celui du Clan de l’Ombre ? s’étonna Petit Bleuet. Ils ont des frontières communes.
- Ils pensent peut-être que les Quatre Chênes les mettent à l’abri d’éventuelles représailles, lui répondit Croc de Vipère en tournant vers elle ses yeux jaunes.
- Ou alors ils pensent qu’il est facile de nous voler ! » rugit Plume de Tempête, qui jusque-là avait observé la scène, les yeux mi-clos, depuis le bord de la clairière. Il s’avança vers eux. « S’ils sont déjà prêts à chaparder un écureuil avant même le début de la mauvaise saison, combien en voleront-ils dans une ou deux lunes ? Nous devons leur donner une leçon maintenant, avant qu’ils s’imaginent qu’ils peuvent chasser nos proies quand bon leur semble. »
- Un frisson de fierté traversa Petit Bleuet. Son père était un véritable guerrier, prêt à se battre pour défendre son clan.
Étoile de Sapin secoua la tête et, d’un bond, gagna le sommet du Promontoire.
« Il n’y aura pas de bataille pour le moment, ordonna-t-il.
- Tu vas les laisser s’en prendre à notre gibier ? s’indigna Plume de Tempête.
- Rien ne prouve qu’il y a bien eu un vol. »
Croc de Vipère feula.
« On n’a pas vu la moindre trace d’un guerrier du Clan du Vent, et aucun marquage n’a été laissé sur notre territoire, rappela le meneur.
- Seulement parce que ce sont des lâches ! répliqua Queue de Moineau, sous les encouragements de ses camarades.
- Est-ce que le Clan des étoiles avait annoncé quoi que ce soit ? demanda le chef à Plume d’Oie.
- Non, rien.
- Lâches ou pas, gronda Étoile de Sapin, je ne vais pas leur déclarer la guerre si je n’ai aucune preuve de leur culpabilité. Cependant, je préviendrai tous les Clans demain, à l’Assemblée, que nous sommes sur le qui-vive. Pelage de Soleil, prévois des patrouilles supplémentaires sur la frontière qui longe les Quatre Chênes. Si tu aperçois une patrouille du Clan du Vent, décourage-les. Et avec des mots, pas des coups. Précisa-t-il en plissant les yeux.
- Entendu, miaula le lieutenant. Nous renouvellerons aussi le marquage. »
Petit Bleuet vit la fourrure de son père onduler le long de son échine lorsqu’il vint s’asseoir près de Croc de Vipère. Tête baissée, les deux guerriers conversèrent à voix basse tandis que Queue de Moineau leur tournait autour, la queue ébouriffée.
« Est-ce qu’ils vont quand même attaquer le Clan du Vent ? demanda Petit Bleuet à Fleur de Lune.
- Non, la rassura la reine.
- Si j’étais eux, je le ferais malgré tout, rétorqua Petite Neige.
- Nous ne savons pas si c’est vraiment un coup du Clan du Vent, protesta Petit Bleuet.
- Oui, mais ça pourrait être eux ! insista la petite chatte blanche. Mieux vaut prévenir que guérir ? Moi, j’irais leur arracher la fourrure pour qu’ils n’osent plus jamais nous voler notre gibier.
- Même si ton chef te l’interdit ? l’interrogea Fleur de Lune. La parole du chef fait force de loi, ne l’oublie pas. »
Petit Bleuet pencha la tête, perplexe.
« Un guerrier ne devrait-il pas toujours faire passer son Clan avant le reste ? Et si Étoile de Sapin se trompait ? » insista sa sœur.
Du bout de la queue, Fleur de Lune lissa le pelage hirsute de Petite Neige.
« Étoile de Sapin fera toujours ce qu’il considérera le mieux pour le Clan du Tonnerre. Rappelle-toi qu’il est guidé par le Clan des Étoiles.
- Si tu le dis », miaula Petite Neige, visiblement déçue.
Petit Bleuet fixait le sol, le cerveau en ébullition. Comment les chefs pouvaient-ils toujours avoir raison ? Serait-ce toujours le cas si le Clan des Étoiles ne les guidait pas ?
Nuage de Pomme de Pin rebroussait chemin vers la tanière des apprentis.
« Dire que ç’aurait pu être notre premier combat… », soupira-t-il.
Nuage de Léopard bondit devant lui, pivota et se plaqua au sol comme pour se préparer à attaquer.
« On les aurait massacrés », gronda-t-elle.
Le clan commençait à se disperser lorsque Étoile de Sapin, qui n’avait pas quitté le Promontoire, poussa un deuxième appel. Tous les regards se reportèrent sur lui.
« Ce n’est pas tout », annonça-t-il.
Petit Bleuet leva la tête vers le Promontoire, curieuse d’entendre la suite.
« Je souhaite nommer deux nouvelles apprenties. »
Qui donc ?
Puis elle comprit.
« Ce doit être nous ! » siffla-t-elle à Petite Neige, dont les yeux brillaient déjà.
- Je ne pensais pas qu’il le ferait aujourd’hui ! s’écria Fleur de Lune en se précipitant vers ses filles. Regarde-toi »
Petit Bleuet contempla avec consternation son pelage poussiéreux et taché de boue après son expédition dans le ravin.
« Fait ta toilette ! Vite ! »
Trop tard.
« Petit Bleuet et Petite Neige », appela le chef en les invitant d’un mouvement de la queue à s’approcher.
Douce Brise s’écarta. Patte Tremblante et Pelage de Soleil reculèrent pour leur faire une place sous le Promontoire.
Petite Neige s’y précipitait déjà, alors que Petit Bleuet hésitait, honteuse de sa fourrure crottée et gênée par les regards de ses camarades.
« Allez, murmura Fleur de Lune en l’incitant à avancer d’un petit coup de museau. Peu importe ta fourrure. » Ses yeux brillaient de fierté. « C’est ton esprit qu’il veut accueillir au sein du Clan du Tonnerre. »
La petite chatte grise prit une grande inspiration et suivit sa sœur sous le Promontoire en espérant que personne ne remarquerait ses pattes tremblantes.
Étoile de Sapin baissa les yeux vers elles.
« Voilà six lunes que vous vivez parmi nous. Aujourd’hui commence votre entraînement. Votre père est un guerrier loyal et courageux. Puissiez-vous emprunter le même chemin. »
Petit Bleuet jeta un coup d’œil vers Plume de Tempête. Il avait cessé d’échanger des murmures avec Croc de Vipère et les regardait avidement. Les pattes de Petit Bleuet tremblèrent encore plus. Pourquoi fallait-il qu’elle ait si piètre allure ?
« Petite Neige ! »
Le miaulement du chef retentit dans la froideur de l’aube.
La petite chatte blanche releva le museau.
« À compter de ce jour, ton nom sera Nuage de Neige. »
Petit Bleuet vit sa sœur bomber le poitrail. Étoile de Sapin passa en revue les guerriers qui l’observaient dans la clairière.
« Queue de Moineau », miaula-t-il.
Le chat brun tacheté écarquilla les yeux, visiblement surpris.
« Tu seras le mentor de Nuage de Neige. Entraîne-la pour faire d’elle une redoutable guerrière. »
Le grand matou cilla un instant puis s’avança pour effleurer le museau de son apprentie.
« Petit Bleuet, poursuivit Étoile de Sapin, jusqu’à ce que tu aies gagné ton nom de guerrière, tu t’appelleras Nuage Bleu. Pelage de Pierre sera ton mentor. »
Le chat gris vint se placer près d’elle.
« Tu n’as toujours pas le droit d’entrer dans le gîte des guerriers », la taquina-t-il en lui frôlant la tête du bout de la truffe.
Nuage Bleu n’arrivait pas à y croire. Ce soir-là, elle dormirait dans la tanière des apprentis !
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