[La prophétie d'Étoile Bleue] Chapitre 4
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[La prophétie d'Étoile Bleue] Chapitre 4
Chapitre 4
« Nuage Bleu ! Nuage Bleu ! »
Tandis que les membres du Clan criaient son nouveau nom, Nuage Bleu se sentais aussi grande que le Promontoire. Elle allait enfin pouvoir aider ses camarades.
Plume de Tempête lui adressa un petit signe de la tête. Nuage Bleu aurait voulu courir vers lui pour frotter son museau contre le sien, mais ses pattes refusèrent de bouger et son père se retourna vers Croc de Vipère.
« Je n’arrive pas à y croire ! » s’écria Nuage de Neige.
Petite Rose, Petite Mousse et Petite Épine se précipitèrent vers elles avec des miaulements enthousiastes.
« Vous êtes apprenties ! couina Petite Mousse.
- Vous nous manquerez dans la pouponnière ! s’exclama Petite Rose tout en faisant des bonds autour d’elles.
- Moi, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas être apprenti, je suis presque aussi grand que vous, grommela Petite Épine.
- N’importe quoi ! Tu ne fais que te vanter ! rétorqua Petite Mousse, les yeux au ciel.
- Ne t’inquiète pas, Petite Épine, le rassura Nuage de Neige. Je te montrerai toutes les techniques de combat que j’apprendrai.
- Je suis déjà bien meilleur combattant que tu ne le seras jamais ! » rétorqua-t-il, le menton relevé.
Les griffes de Nuage Bleu la démangèrent tant qu’elle dut se retenir de lui cingler les oreilles. Il ferait mieux de montrer plus de respect envers les apprentis de son Clan !
« Félicitations ! » lança Douce Brise qui trottait vers elles la queue en panache.
Nuage Bleu ronronna tout en guettant sa mère.
Fleur de Lune, qui s’était arrêtée pour parler avec Plume de Tempête, accourut dès qu’elle croisa le regard de sa fille.
« Je suis si fière de vous ! » annonça-t-elle. Elle jeta un coup d’œil vers Plume de Tempête. « Et votre père aussi. »
Comme si elle lui avait fait signe de s’approcher, le guerrier les rejoignit à son tour. Croc de Vipère le suivit, l’air préoccupé.
« Bravo », les félicita Plume de Tempête.
Lorsque le matou baissa la tête vers les pattes boueuses de Nuage Bleu, elle s’assit brusquement pour les dissimuler sous elle.
« Nous allons être les meilleures apprenties ! annonça joyeusement Nuage de Neige.
- Je n’en attends pas moins de vous », répondit le guerrier.
- Plume d’Oie et Longues Moustaches s’approchèrent.
« Félicitations à vous deux, miaula chaleureusement le guérisseur.
- Merci, fit Nuage Bleue d’une voix timide.
- Tu dois être très fier, ajouta Plume d’Oie à l’adresse de Plume de Tempête.
- Bien sûr.
- Il est étonnant qu’Étoile de Sapin ait choisi ce moment précis pour vous nommer apprenties », déclara Croc de Vipère en se nettoyant derrière l’oreille. Il s’interrompit, la patte en l’air, et observa Nuage Bleu de la truffe au bout de la queue. « On pourrait presque croire que ce n’était pas prévu.
- Que veux-tu dire ? demanda la novice.
- Rien du tout, rétorqua aussitôt Fleur de Lune en toisant Croc de Vipère. N’est-ce pas ?
- Reconnaissez que cette annonce est tombée à point nommé pour distraire le Clan après la découverte de la patrouille, insista le matou, qui soutint le regard de la guerrière sans fléchir.
- S’il doit y avoir une bataille, Croc de Vipère, alors nous aurons besoin de tous les guerriers disponibles, répliqua Plume d’Oie.
- Des guerriers, oui, mais des apprentis ? répondit l’intéressé avec un haussement d’épaules.
- Nous nous battrons aussi vaillamment que les autres, déclara Nuage de Neige, le poil hérissé.
- Je suis certain que vous ferez de votre mieux, répondit Croc de Vipère. Cependant, seul l’entraînement vous transformera en guerrières, et pour l’instant vous n’en avez reçu aucun. »
Nuage Bleu se sentit soudain toute petite. Comment avait-elle pu croire qu’elle aiderait son Clan ? Elle frissonna. Croc de Vipère avait-il raison ? Leur chef les avait-il vraiment nommées apprenties pour empêcher une guerre contre le Clan du Vent ?
Le miaulement de Pelage de Pierre la tira de ses pensées :
« Prête pour l’entraînement ?
- On commence tout de suite ? s’étonna-t-elle, soudain revigorée.
- Mieux vaut s’y mettre sans délai. Si le Clan du Vent mijote un mauvais coup, tu auras besoin de toutes les techniques que je t’enseignerai. »
Il allait lui apprendre à se battre contre leurs ennemis ! La jeune novice se sentit pousser des ailes lorsqu’il la guida vers le tunnel d’ajoncs. C’était bien vrai, elle était apprentie ! Cette fois-ci, au lieu de s’arrêter à la lisière de la forêt pour jeter un coup d’œil entre les arbres comme un chaton apeuré, elle y pénétrerait. Son mentor allait-il lui montrer où trouver les proies les plus juteuses ? Allait-il lui enseigner comment surprendre un adversaire avec une attaque inattendue ? Le cœur battant, elle commença l’ascension du ravin.
Des pierres roulèrent derrière eux. En se retournant, elle aperçut Nuage de Neige et Queue de Moineau.
« Vous allez aussi dans la forêt ? » demanda Nuage Bleu avec une pointe de jalousie.
Elle aurait voulu garder les bois pour elle toute seule.
« Oui ! »
Nuage de Neige la dépassa en quelques bonds et fila devant elle. Ses grandes pattes lui facilitaient la tâche.
« Suis l’itinéraire entre ces deux gros rochers, lui indiqua Queue de Moineau, resté en arrière. D’habitude, seuls les guerriers passent par là, mais je pense que tu parviendras à sauter assez loin. »
Dès que le sentier devint moins abrupt, Nuage Bleu se mit à courir aussi vite que possible. Pourquoi Nuage de Neige pénétrerait-elle dans la forêt avant elle ?
« Attention ! la mit en garde Pelage de Pierre lorsque, dans son impatience, elle projeta des cailloux. Pense à tes camarades, derrière toi.
- Pardon, miaula-t-elle en ralentissant, frustrée de voir sa sœur la devancer.
- La vitesse n’est pas tout, lui apprit son mentor. Un chasseur qui court après ses proies en attrape moins. »
C’est ça ! Elle redoubla d’efforts jusqu’à ce qu’elle ait rejoint Nuage de Neige au sommet et se tourna pour regarder en bas.
« Le camp semble tout petit ! » s’écria la novice blanche, ses yeux bleus écarquillés.
Une douce chaleur se diffusa aussitôt dans le ventre de Nuage Bleu. Elle connaissait déjà cette vue.
« Regarde ! lança-t-elle à sa sœur. On voit la clairière. Là, entre ses branches.
- Est-ce que ce sont Petite Épine et Petite Rose, là, qui jouent près de l’arbre abattu ? »
Deux boules de poils aux couleurs familières chahutaient dans la clairière. De là, elles semblaient minuscules. Nuage Bleu brandit une patte dans l’espoir que les chatons la verraient, mais ils ne levèrent pas la tête. Soudain, l’apprentie se sentit très, très loin de ses anciens camarades de tanière.
« Viens, Nuage de Neige ! ordonna soudain Queue de Moineau depuis l’orée de la forêt. Je vais te montrer la rivière. »
La rivière ! Nuage Bleu ignorait à quoi elle ressemblait. Elle savait seulement qu’elle était très large et qu’elle filait entre les arbres aussi vite que le vent.
« Allons-nous aussi voir la rivière ? demanda-t-elle à Pelage de Pierre.
- Non. Nous avons bien plus important à accomplir. »
Nuage Bleu essaya de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Après tout, si c’était plus important, ce serait sans doute plus palpitant encore ! Lorsqu’elle pénétra enfin dans la forêt à la suite de son mentor, la fourrure blanche de sa sœur avait déjà disparu au loin.
Les rayons du soleil filtraient entre les branches à moitié dénudées et zébraient le sol à la manière d’un pelage de tigre. Nuage Bleu flaira des proies. Ces odeurs, qui n’avaient rien à voir avec les fumets de la réserve, étaient aussi bien plus alléchantes. Elle reconnut celles de la souris, du moineau, de l’écureuil et de la musaraigne, et la touche de vie qui les animait lui mit l’eau à la bouche.
« Va-t-on chasser ? s’enquit-elle.
- Pas aujourd’hui. »
Pelage de Pierre sauta par-dessus un arbre mort et attendit son apprentie avant de repartir dans les taillis.
« Partons-nous en patrouille ? »
Il fit non de la tête.
« Vas-tu me montrer les frontières ?
- Bientôt. »
Il devait lui réserver quelque chose de vraiment incroyable ! Quel cachottier !
Ils descendirent une pense douce semée de feuilles mortes qui crissèrent sous leurs coussinets.
« Est-ce qu’on va s’entraîner au combat ? Quelle est la première technique que je suis censée connaître ?
- Nous y viendrons un autre jour.
- Alors qu’allons-nous faire ? »
Pelage de Pierre fit halte devant un chêne. Ses racines épaisses, couvertes de plusieurs couches de mousse, se tordaient avant de plonger dans le sol.
« Je vais t’apprendre à ramasser de la mousse pour changer la litière des anciens.
- Quoi ? De la mousse ? »
Nuage Bleu ne put dissimuler sa déception.
« Elle leur tient chaud, expliqua son mentor.
- Mais je pensais…
- Tu veux qu’ils grimpent jusqu’ici pour la récolter eux-mêmes ? rétorqua-t-il en la toisant durement.
- Non ! Bien sûr que non. Simplement, j’espérais… »
Elle ravala le gémissement qui montait dans sa gorge. Le Clan passait avant tout. Les anciens avaient besoin d’une litière propre et fraîche. Et elle ne voulait pas que son mentor la croie égoïste. Pourtant, la rancœur raidit ses pattes lorsqu’elle commença à arracher la mousse spongieuse d’une racine.
« Attends, miaula Pelage de Pierre en plaquant sa patte sur les siennes. Tu récoltes autant de terre que de mousse. Ça ne va pas plaire aux anciens. Laisse-moi te montrer. »
Nuage Bleu s’assit pour l’observer.
« Courbe tes pattes comme ça et étends tes griffes autant que possible. » Avec des gestes rapides et précis, il découpa une plaque de mousse en laissant la terre et les racines sur l’écorce. » Maintenant, essaye. »
Nuage Bleu l’imita soigneusement. Elle obtint un morceau plus petit que celui du guerrier, mais au moins, il était propre.
« Très bien ! ronronna Pelage de Pierre. Encore. »
Sous son regard attentif, elle continua à couper la mousse, qu’elle déposait sur le tas grandissant. Bientôt, elle comprit comment synchroniser ses mouvements et remarqua que ses plaques devenaient plus épaisses, plus régulières. Elle marqua une pause afin de regarder son mentor et se réjouit de voir que ses yeux brillaient.
« Tu es très douée, la complimenta-t-il. Et même si tu ne t’en rends pas compte, tu aiguises tes réflexes pour le combat et la chasse.
- Ah bon ?
- À chaque coup de griffes, tu maîtrises un peu mieux tes mouvements. Lorsque tu accompliras parfaitement ces gestes, tu seras capable de labourer le museau de ton ennemi d’un seul coup de patte, et de tuer ta proie vite et bien. »
Nuage Bleu, ronronna, soudain fière de sa récolte.
« À présent, nous allons ramener la mousse au camp. »
La novice se pensa aussitôt pour en saisir une boule dans sa gueule.
« Si nous la portons de cette manière, il nous faudra plusieurs voyages. Aplatis-la comme ça, expliqua Pelage de Pierre pressant la mousse entre ses pattes pour en chasser l’humidité. Maintenant, tu la roules sur elle-même et tu la coinces sous ton menton. » Il lui montra comment faire et poursuivit : Comme ça, tu peux en prendre plus entre tes mâchoires. »
Nuage Bleu réprima un ronron amusé. Pelage de Pierre avait vraiment une drôle de tête avec son menton plaqué sur le poitrail, et de la mousse qui dépassait des deux côtés.
« Inutile de remuer les moustaches ! la rabroua-t-il. Tu préférerais peut-être faire le trajet deux fois ? »
Nuage Bleu fit non de la tête.
« C’est bien ce que je pensais. Imagine que nous rapportions des prises à notre Clan affamé. Plus nous arrivons à en porter, plus tôt le Clan sera nourri. »
Nuage Bleu n’avait pas pensé à cela. Elle entreprit d’imiter son mentor. C’était plus difficile qu’elle ne s’y attendait. Elle fit tomber son fardeau deux fois avant d’atteindre le bord du ravin. Pelage de Pierre l’attendit patiemment, sans lui donner de conseils. Il se contenta de hocher la tête devant la détermination de son apprentie.
Au sommet de la côte, Nuage Bleu huma l’air pour guetter la présence de sa sœur. Elle ne voulait pas que Nuage de Neige la voie dans cet état : le menton rentré, la fourrure de son poitrail trempée par la mousse humide.
Sa dégringolade dans la descente fut moins digne encore. Elle avançait sans voir où elle mettait les pattes. Heureusement que son mentor était devant elle et l’interceptait chaque fois qu’elle glissait. Même le tunnel d’ajoncs posa problème. La moitié de sa récolte se prit dans les branches épineuses.
« Crotte de souris ! » fulmina-t-elle.
Elle dut reculer en se dandinant pour la tirer du bout de la patte jusqu’à la clairière.
Je dois être la première à rentrer dans le camp à reculons !
Elle avait tellement honte d’arriver la queue la première que ses oreilles la brûlaient.
Nuage de Léopard passa devant elle.
« On est occupée ? lança l’apprentie au museau noir.
Nuage Bleu lâcha son fardeau pour soutenir le regard de la jeune chatte.
« J’ai appris à me servir correctement de mes griffes et à rapporter plusieurs prises en même temps.
- En d’autres termes, tu as ramassé de la mousse », pouffa l’autre.
Nuage Bleu battit furieusement de la queue lorsque sa camarade s’éloigna vers le tas de gibier. Puis elle aperçut Pelage de Pierre qui l’observait d’un air amusé depuis l’arbre couché, un tas de mousse à ses pattes. Nuage Bleu ramassa son chargement en grommelant et le rejoignit à grands pas.
« Est-ce que le code du guerrier nous autorise à glisser des chardons dans les litières de nos camarades ?
demanda-t-elle en crachant sa mousse.
- Je ne crois pas, mais je suis certain que tu ne serais pas la première », répondit Pelage de Pierre, les moustaches frémissantes.
Il souleva les boules de litière propre et se faufila entre les branches mortes.
Nuage Bleu le suivit avec un gros soupir.
« Oh, parfait, miaula Plume d’Alouette à leur arrivée dans la tanière des anciens. Je crois que j’aurais été incapable de dormir une nuit de plus dans ce nid. Il fait trop froid ! »
Patte Tremblante, qui avait posé la tête sur ses pattes avant, releva le menton pour regarder la novice.
« Alors, comment c’est d’être enfin apprentie ?
- C’est chouette ! » mentit-elle.
Enfin, ça le serait si j’allais chasser et non ramasser de la litière. Elle repoussa aussitôt cette idée. Cela aussi, c’est important, se rappela-t-elle sans grande conviction. Pelage de Pierre grattait déjà le nid d’Herbe Folle pour en sortir des frondes sèches et puantes. Nuage Bleu se dépêcha d’aller l’aider pendant qu’Herbe Folle attendait sur le côté, les yeux mi-clos, comme s’il dormait.
« Passe-moi la mousse », ordonna Pelage de Pierre. L’apprentie en prit une boule qu’elle laissa tomber dans le nid de l’ancien. Avec des gestes habiles, Pelage de Pierre la déchira pour la répartir sur les fougères restantes et ne s’arrêtera que lorsque la litière fut bien moelleuse.
« Demain, nous irons chercher des frondes fraîches pour renforcer les côtés, promit-il à Herbe Folle.
- Tant mieux, répondit celui-ci avec un bâillement. Par ce temps, mes os me font souffrir. »
Il n’a même pas dit merci ! s’indigna Nuage Bleu.
Herbe Folle s’installa dans son nid pendant qu’ils s’attaquaient à celui de Plume d’Alouette.
« Il y a une épine ! se plaignit-il.
- Laisse-moi voir », dit Pelage de Pierre. Tandis que l’ancien ressortait avec des mouvements raides, Pelage de Pierre fouilla dans la verdure jusqu’à ce qu’il trouve un brin de mousse un peu dur. « Ce n’est qu’une racine », annonça-t-il en la crachant sur le tas de litière souillée.
Herbe Folle secoua la tête.
« C’est toujours pareil, avec les nouveaux apprentis, soupira-t-il. Ils rapportent tous des bouts de bois et des cailloux. » Il reprit place dans son nid et s’y pelotonna. « Vous n’auriez pas pu trouver de la mousse un peu plus sèche ? Celle-ci est un peu humide.
- Elle va sécher, maintenant qu’elle n’est plus sur l’arbre », promit le guerrier.
Furieuse, Nuage Bleu se força à garder sa queue immobile, mais elle ne réussit toutefois pas à l’empêcher de trembler. Quel ingrat ! Elle avait encore mal aux griffes, après avoir arraché tant de mousse, et Herbe Folle ne trouvait rien d’autre à dire que des reproches. Pelage de Pierre, lui, n’en prit pas ombrage et se remit aussitôt au travail sur la litière de l’ancienne.
Malgré sa colère, Nuage Bleu s’accroupit près de lui pour l’aider. Elle était épuisée lorsqu’ils eurent terminé les trois nids et emporté la litière souillée au coin sombre où ils faisaient leurs besoins. Le pâle soleil de la saison des feuilles mortes commençait à décliner derrière les arbres.
« Tu as mérité un bon repas, déclara Pelage de Pierre. Va te servir sur le tas de gibier et rejoins tes camarades. » D’un mouvement du museau, il désigna Nuage de Léopard et Nuage de Pomme de Pin qui mangeaient près de la souche. » Tu as travaillé dur aujourd’hui. »
Son compliment remonta le moral de la petite chatte. Elle prit congé d’un signe de tête et choisit une souris dans la réserve. Elle s’assit ensuite près de Nuage de Pomme de Pin en toisant froidement Nuage de Léopard. Elle ne s’était pas montrée très bonne camarade, à railler Nuage Bleu comme elle l’avait fait. La jeune chatte noire dégustait une grive. Elle s’interrompit un instant pour s’adresser à Nuage Bleu :
« Je parie qu’ils ne t’ont même pas remerciée.
- Tu parles des anciens ?
- Oui. Tout le monde sait qu’ils se plaignent sans arrêt, répondit Nuage de Léopard. J’imagine qu’ils en ont gagné le droit…
- D’après Pelage Crépu, ils sont grincheux parce qu’ils ne sont plus capables de se débrouiller seuls, déclara Nuage de Pomme de Pin en se frottant le museau.
- Tu parles, ils ont bien la chance qu’on s’en occupe à leur place ! rétorqua Nuage de Léopard. Tiens, ajouta-t-elle en jetant un morceau d’oiseau à Nuage Bleu. Ta souris ne te calera pas si tu as passé la journée à changer des litières. »
Pour la première fois, Nuage Bleu eut l’impression d’être une véritable apprentie. Elle ronronna :
« Merci, Nuage de Léopard.
- Les camarades de tanière partagent toujours », répondit la chatte noire.
Nuage Bleu mordit joyeusement dans la grive. La saveur forestière de la chair réjouit ses papilles et elle remarqua à peine les bruits de pas derrière elle.
« Demain, je t’emmène chasser. »
Surprise, elle se retourna et découvrit Pelage de Pierre.
« Vraiment ? demanda-t-elle après avoir dégluti.
- Nous partirons à midi. Nous verrons si tu es capable de mettre en pratique ce que tu as appris aujourd’hui pour capturer une vraie proie. »
L’apprentie le regarda rejoindre Croc de Vipère et Taches Fauves près du bouquet d’orties. Elle était si heureuse qu’elle en avait le tournis ! Elle avait hâte que Nuage de Neige revienne pour lui raconter sa journée. Il n’y avait rien de mieux au monde qu’être une apprentie du Clan du Tonnerre !
« Nuage Bleu ! Nuage Bleu ! »
Tandis que les membres du Clan criaient son nouveau nom, Nuage Bleu se sentais aussi grande que le Promontoire. Elle allait enfin pouvoir aider ses camarades.
Plume de Tempête lui adressa un petit signe de la tête. Nuage Bleu aurait voulu courir vers lui pour frotter son museau contre le sien, mais ses pattes refusèrent de bouger et son père se retourna vers Croc de Vipère.
« Je n’arrive pas à y croire ! » s’écria Nuage de Neige.
Petite Rose, Petite Mousse et Petite Épine se précipitèrent vers elles avec des miaulements enthousiastes.
« Vous êtes apprenties ! couina Petite Mousse.
- Vous nous manquerez dans la pouponnière ! s’exclama Petite Rose tout en faisant des bonds autour d’elles.
- Moi, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas être apprenti, je suis presque aussi grand que vous, grommela Petite Épine.
- N’importe quoi ! Tu ne fais que te vanter ! rétorqua Petite Mousse, les yeux au ciel.
- Ne t’inquiète pas, Petite Épine, le rassura Nuage de Neige. Je te montrerai toutes les techniques de combat que j’apprendrai.
- Je suis déjà bien meilleur combattant que tu ne le seras jamais ! » rétorqua-t-il, le menton relevé.
Les griffes de Nuage Bleu la démangèrent tant qu’elle dut se retenir de lui cingler les oreilles. Il ferait mieux de montrer plus de respect envers les apprentis de son Clan !
« Félicitations ! » lança Douce Brise qui trottait vers elles la queue en panache.
Nuage Bleu ronronna tout en guettant sa mère.
Fleur de Lune, qui s’était arrêtée pour parler avec Plume de Tempête, accourut dès qu’elle croisa le regard de sa fille.
« Je suis si fière de vous ! » annonça-t-elle. Elle jeta un coup d’œil vers Plume de Tempête. « Et votre père aussi. »
Comme si elle lui avait fait signe de s’approcher, le guerrier les rejoignit à son tour. Croc de Vipère le suivit, l’air préoccupé.
« Bravo », les félicita Plume de Tempête.
Lorsque le matou baissa la tête vers les pattes boueuses de Nuage Bleu, elle s’assit brusquement pour les dissimuler sous elle.
« Nous allons être les meilleures apprenties ! annonça joyeusement Nuage de Neige.
- Je n’en attends pas moins de vous », répondit le guerrier.
- Plume d’Oie et Longues Moustaches s’approchèrent.
« Félicitations à vous deux, miaula chaleureusement le guérisseur.
- Merci, fit Nuage Bleue d’une voix timide.
- Tu dois être très fier, ajouta Plume d’Oie à l’adresse de Plume de Tempête.
- Bien sûr.
- Il est étonnant qu’Étoile de Sapin ait choisi ce moment précis pour vous nommer apprenties », déclara Croc de Vipère en se nettoyant derrière l’oreille. Il s’interrompit, la patte en l’air, et observa Nuage Bleu de la truffe au bout de la queue. « On pourrait presque croire que ce n’était pas prévu.
- Que veux-tu dire ? demanda la novice.
- Rien du tout, rétorqua aussitôt Fleur de Lune en toisant Croc de Vipère. N’est-ce pas ?
- Reconnaissez que cette annonce est tombée à point nommé pour distraire le Clan après la découverte de la patrouille, insista le matou, qui soutint le regard de la guerrière sans fléchir.
- S’il doit y avoir une bataille, Croc de Vipère, alors nous aurons besoin de tous les guerriers disponibles, répliqua Plume d’Oie.
- Des guerriers, oui, mais des apprentis ? répondit l’intéressé avec un haussement d’épaules.
- Nous nous battrons aussi vaillamment que les autres, déclara Nuage de Neige, le poil hérissé.
- Je suis certain que vous ferez de votre mieux, répondit Croc de Vipère. Cependant, seul l’entraînement vous transformera en guerrières, et pour l’instant vous n’en avez reçu aucun. »
Nuage Bleu se sentit soudain toute petite. Comment avait-elle pu croire qu’elle aiderait son Clan ? Elle frissonna. Croc de Vipère avait-il raison ? Leur chef les avait-il vraiment nommées apprenties pour empêcher une guerre contre le Clan du Vent ?
Le miaulement de Pelage de Pierre la tira de ses pensées :
« Prête pour l’entraînement ?
- On commence tout de suite ? s’étonna-t-elle, soudain revigorée.
- Mieux vaut s’y mettre sans délai. Si le Clan du Vent mijote un mauvais coup, tu auras besoin de toutes les techniques que je t’enseignerai. »
Il allait lui apprendre à se battre contre leurs ennemis ! La jeune novice se sentit pousser des ailes lorsqu’il la guida vers le tunnel d’ajoncs. C’était bien vrai, elle était apprentie ! Cette fois-ci, au lieu de s’arrêter à la lisière de la forêt pour jeter un coup d’œil entre les arbres comme un chaton apeuré, elle y pénétrerait. Son mentor allait-il lui montrer où trouver les proies les plus juteuses ? Allait-il lui enseigner comment surprendre un adversaire avec une attaque inattendue ? Le cœur battant, elle commença l’ascension du ravin.
Des pierres roulèrent derrière eux. En se retournant, elle aperçut Nuage de Neige et Queue de Moineau.
« Vous allez aussi dans la forêt ? » demanda Nuage Bleu avec une pointe de jalousie.
Elle aurait voulu garder les bois pour elle toute seule.
« Oui ! »
Nuage de Neige la dépassa en quelques bonds et fila devant elle. Ses grandes pattes lui facilitaient la tâche.
« Suis l’itinéraire entre ces deux gros rochers, lui indiqua Queue de Moineau, resté en arrière. D’habitude, seuls les guerriers passent par là, mais je pense que tu parviendras à sauter assez loin. »
Dès que le sentier devint moins abrupt, Nuage Bleu se mit à courir aussi vite que possible. Pourquoi Nuage de Neige pénétrerait-elle dans la forêt avant elle ?
« Attention ! la mit en garde Pelage de Pierre lorsque, dans son impatience, elle projeta des cailloux. Pense à tes camarades, derrière toi.
- Pardon, miaula-t-elle en ralentissant, frustrée de voir sa sœur la devancer.
- La vitesse n’est pas tout, lui apprit son mentor. Un chasseur qui court après ses proies en attrape moins. »
C’est ça ! Elle redoubla d’efforts jusqu’à ce qu’elle ait rejoint Nuage de Neige au sommet et se tourna pour regarder en bas.
« Le camp semble tout petit ! » s’écria la novice blanche, ses yeux bleus écarquillés.
Une douce chaleur se diffusa aussitôt dans le ventre de Nuage Bleu. Elle connaissait déjà cette vue.
« Regarde ! lança-t-elle à sa sœur. On voit la clairière. Là, entre ses branches.
- Est-ce que ce sont Petite Épine et Petite Rose, là, qui jouent près de l’arbre abattu ? »
Deux boules de poils aux couleurs familières chahutaient dans la clairière. De là, elles semblaient minuscules. Nuage Bleu brandit une patte dans l’espoir que les chatons la verraient, mais ils ne levèrent pas la tête. Soudain, l’apprentie se sentit très, très loin de ses anciens camarades de tanière.
« Viens, Nuage de Neige ! ordonna soudain Queue de Moineau depuis l’orée de la forêt. Je vais te montrer la rivière. »
La rivière ! Nuage Bleu ignorait à quoi elle ressemblait. Elle savait seulement qu’elle était très large et qu’elle filait entre les arbres aussi vite que le vent.
« Allons-nous aussi voir la rivière ? demanda-t-elle à Pelage de Pierre.
- Non. Nous avons bien plus important à accomplir. »
Nuage Bleu essaya de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Après tout, si c’était plus important, ce serait sans doute plus palpitant encore ! Lorsqu’elle pénétra enfin dans la forêt à la suite de son mentor, la fourrure blanche de sa sœur avait déjà disparu au loin.
Les rayons du soleil filtraient entre les branches à moitié dénudées et zébraient le sol à la manière d’un pelage de tigre. Nuage Bleu flaira des proies. Ces odeurs, qui n’avaient rien à voir avec les fumets de la réserve, étaient aussi bien plus alléchantes. Elle reconnut celles de la souris, du moineau, de l’écureuil et de la musaraigne, et la touche de vie qui les animait lui mit l’eau à la bouche.
« Va-t-on chasser ? s’enquit-elle.
- Pas aujourd’hui. »
Pelage de Pierre sauta par-dessus un arbre mort et attendit son apprentie avant de repartir dans les taillis.
« Partons-nous en patrouille ? »
Il fit non de la tête.
« Vas-tu me montrer les frontières ?
- Bientôt. »
Il devait lui réserver quelque chose de vraiment incroyable ! Quel cachottier !
Ils descendirent une pense douce semée de feuilles mortes qui crissèrent sous leurs coussinets.
« Est-ce qu’on va s’entraîner au combat ? Quelle est la première technique que je suis censée connaître ?
- Nous y viendrons un autre jour.
- Alors qu’allons-nous faire ? »
Pelage de Pierre fit halte devant un chêne. Ses racines épaisses, couvertes de plusieurs couches de mousse, se tordaient avant de plonger dans le sol.
« Je vais t’apprendre à ramasser de la mousse pour changer la litière des anciens.
- Quoi ? De la mousse ? »
Nuage Bleu ne put dissimuler sa déception.
« Elle leur tient chaud, expliqua son mentor.
- Mais je pensais…
- Tu veux qu’ils grimpent jusqu’ici pour la récolter eux-mêmes ? rétorqua-t-il en la toisant durement.
- Non ! Bien sûr que non. Simplement, j’espérais… »
Elle ravala le gémissement qui montait dans sa gorge. Le Clan passait avant tout. Les anciens avaient besoin d’une litière propre et fraîche. Et elle ne voulait pas que son mentor la croie égoïste. Pourtant, la rancœur raidit ses pattes lorsqu’elle commença à arracher la mousse spongieuse d’une racine.
« Attends, miaula Pelage de Pierre en plaquant sa patte sur les siennes. Tu récoltes autant de terre que de mousse. Ça ne va pas plaire aux anciens. Laisse-moi te montrer. »
Nuage Bleu s’assit pour l’observer.
« Courbe tes pattes comme ça et étends tes griffes autant que possible. » Avec des gestes rapides et précis, il découpa une plaque de mousse en laissant la terre et les racines sur l’écorce. » Maintenant, essaye. »
Nuage Bleu l’imita soigneusement. Elle obtint un morceau plus petit que celui du guerrier, mais au moins, il était propre.
« Très bien ! ronronna Pelage de Pierre. Encore. »
Sous son regard attentif, elle continua à couper la mousse, qu’elle déposait sur le tas grandissant. Bientôt, elle comprit comment synchroniser ses mouvements et remarqua que ses plaques devenaient plus épaisses, plus régulières. Elle marqua une pause afin de regarder son mentor et se réjouit de voir que ses yeux brillaient.
« Tu es très douée, la complimenta-t-il. Et même si tu ne t’en rends pas compte, tu aiguises tes réflexes pour le combat et la chasse.
- Ah bon ?
- À chaque coup de griffes, tu maîtrises un peu mieux tes mouvements. Lorsque tu accompliras parfaitement ces gestes, tu seras capable de labourer le museau de ton ennemi d’un seul coup de patte, et de tuer ta proie vite et bien. »
Nuage Bleu, ronronna, soudain fière de sa récolte.
« À présent, nous allons ramener la mousse au camp. »
La novice se pensa aussitôt pour en saisir une boule dans sa gueule.
« Si nous la portons de cette manière, il nous faudra plusieurs voyages. Aplatis-la comme ça, expliqua Pelage de Pierre pressant la mousse entre ses pattes pour en chasser l’humidité. Maintenant, tu la roules sur elle-même et tu la coinces sous ton menton. » Il lui montra comment faire et poursuivit : Comme ça, tu peux en prendre plus entre tes mâchoires. »
Nuage Bleu réprima un ronron amusé. Pelage de Pierre avait vraiment une drôle de tête avec son menton plaqué sur le poitrail, et de la mousse qui dépassait des deux côtés.
« Inutile de remuer les moustaches ! la rabroua-t-il. Tu préférerais peut-être faire le trajet deux fois ? »
Nuage Bleu fit non de la tête.
« C’est bien ce que je pensais. Imagine que nous rapportions des prises à notre Clan affamé. Plus nous arrivons à en porter, plus tôt le Clan sera nourri. »
Nuage Bleu n’avait pas pensé à cela. Elle entreprit d’imiter son mentor. C’était plus difficile qu’elle ne s’y attendait. Elle fit tomber son fardeau deux fois avant d’atteindre le bord du ravin. Pelage de Pierre l’attendit patiemment, sans lui donner de conseils. Il se contenta de hocher la tête devant la détermination de son apprentie.
Au sommet de la côte, Nuage Bleu huma l’air pour guetter la présence de sa sœur. Elle ne voulait pas que Nuage de Neige la voie dans cet état : le menton rentré, la fourrure de son poitrail trempée par la mousse humide.
Sa dégringolade dans la descente fut moins digne encore. Elle avançait sans voir où elle mettait les pattes. Heureusement que son mentor était devant elle et l’interceptait chaque fois qu’elle glissait. Même le tunnel d’ajoncs posa problème. La moitié de sa récolte se prit dans les branches épineuses.
« Crotte de souris ! » fulmina-t-elle.
Elle dut reculer en se dandinant pour la tirer du bout de la patte jusqu’à la clairière.
Je dois être la première à rentrer dans le camp à reculons !
Elle avait tellement honte d’arriver la queue la première que ses oreilles la brûlaient.
Nuage de Léopard passa devant elle.
« On est occupée ? lança l’apprentie au museau noir.
Nuage Bleu lâcha son fardeau pour soutenir le regard de la jeune chatte.
« J’ai appris à me servir correctement de mes griffes et à rapporter plusieurs prises en même temps.
- En d’autres termes, tu as ramassé de la mousse », pouffa l’autre.
Nuage Bleu battit furieusement de la queue lorsque sa camarade s’éloigna vers le tas de gibier. Puis elle aperçut Pelage de Pierre qui l’observait d’un air amusé depuis l’arbre couché, un tas de mousse à ses pattes. Nuage Bleu ramassa son chargement en grommelant et le rejoignit à grands pas.
« Est-ce que le code du guerrier nous autorise à glisser des chardons dans les litières de nos camarades ?
demanda-t-elle en crachant sa mousse.
- Je ne crois pas, mais je suis certain que tu ne serais pas la première », répondit Pelage de Pierre, les moustaches frémissantes.
Il souleva les boules de litière propre et se faufila entre les branches mortes.
Nuage Bleu le suivit avec un gros soupir.
« Oh, parfait, miaula Plume d’Alouette à leur arrivée dans la tanière des anciens. Je crois que j’aurais été incapable de dormir une nuit de plus dans ce nid. Il fait trop froid ! »
Patte Tremblante, qui avait posé la tête sur ses pattes avant, releva le menton pour regarder la novice.
« Alors, comment c’est d’être enfin apprentie ?
- C’est chouette ! » mentit-elle.
Enfin, ça le serait si j’allais chasser et non ramasser de la litière. Elle repoussa aussitôt cette idée. Cela aussi, c’est important, se rappela-t-elle sans grande conviction. Pelage de Pierre grattait déjà le nid d’Herbe Folle pour en sortir des frondes sèches et puantes. Nuage Bleu se dépêcha d’aller l’aider pendant qu’Herbe Folle attendait sur le côté, les yeux mi-clos, comme s’il dormait.
« Passe-moi la mousse », ordonna Pelage de Pierre. L’apprentie en prit une boule qu’elle laissa tomber dans le nid de l’ancien. Avec des gestes habiles, Pelage de Pierre la déchira pour la répartir sur les fougères restantes et ne s’arrêtera que lorsque la litière fut bien moelleuse.
« Demain, nous irons chercher des frondes fraîches pour renforcer les côtés, promit-il à Herbe Folle.
- Tant mieux, répondit celui-ci avec un bâillement. Par ce temps, mes os me font souffrir. »
Il n’a même pas dit merci ! s’indigna Nuage Bleu.
Herbe Folle s’installa dans son nid pendant qu’ils s’attaquaient à celui de Plume d’Alouette.
« Il y a une épine ! se plaignit-il.
- Laisse-moi voir », dit Pelage de Pierre. Tandis que l’ancien ressortait avec des mouvements raides, Pelage de Pierre fouilla dans la verdure jusqu’à ce qu’il trouve un brin de mousse un peu dur. « Ce n’est qu’une racine », annonça-t-il en la crachant sur le tas de litière souillée.
Herbe Folle secoua la tête.
« C’est toujours pareil, avec les nouveaux apprentis, soupira-t-il. Ils rapportent tous des bouts de bois et des cailloux. » Il reprit place dans son nid et s’y pelotonna. « Vous n’auriez pas pu trouver de la mousse un peu plus sèche ? Celle-ci est un peu humide.
- Elle va sécher, maintenant qu’elle n’est plus sur l’arbre », promit le guerrier.
Furieuse, Nuage Bleu se força à garder sa queue immobile, mais elle ne réussit toutefois pas à l’empêcher de trembler. Quel ingrat ! Elle avait encore mal aux griffes, après avoir arraché tant de mousse, et Herbe Folle ne trouvait rien d’autre à dire que des reproches. Pelage de Pierre, lui, n’en prit pas ombrage et se remit aussitôt au travail sur la litière de l’ancienne.
Malgré sa colère, Nuage Bleu s’accroupit près de lui pour l’aider. Elle était épuisée lorsqu’ils eurent terminé les trois nids et emporté la litière souillée au coin sombre où ils faisaient leurs besoins. Le pâle soleil de la saison des feuilles mortes commençait à décliner derrière les arbres.
« Tu as mérité un bon repas, déclara Pelage de Pierre. Va te servir sur le tas de gibier et rejoins tes camarades. » D’un mouvement du museau, il désigna Nuage de Léopard et Nuage de Pomme de Pin qui mangeaient près de la souche. » Tu as travaillé dur aujourd’hui. »
Son compliment remonta le moral de la petite chatte. Elle prit congé d’un signe de tête et choisit une souris dans la réserve. Elle s’assit ensuite près de Nuage de Pomme de Pin en toisant froidement Nuage de Léopard. Elle ne s’était pas montrée très bonne camarade, à railler Nuage Bleu comme elle l’avait fait. La jeune chatte noire dégustait une grive. Elle s’interrompit un instant pour s’adresser à Nuage Bleu :
« Je parie qu’ils ne t’ont même pas remerciée.
- Tu parles des anciens ?
- Oui. Tout le monde sait qu’ils se plaignent sans arrêt, répondit Nuage de Léopard. J’imagine qu’ils en ont gagné le droit…
- D’après Pelage Crépu, ils sont grincheux parce qu’ils ne sont plus capables de se débrouiller seuls, déclara Nuage de Pomme de Pin en se frottant le museau.
- Tu parles, ils ont bien la chance qu’on s’en occupe à leur place ! rétorqua Nuage de Léopard. Tiens, ajouta-t-elle en jetant un morceau d’oiseau à Nuage Bleu. Ta souris ne te calera pas si tu as passé la journée à changer des litières. »
Pour la première fois, Nuage Bleu eut l’impression d’être une véritable apprentie. Elle ronronna :
« Merci, Nuage de Léopard.
- Les camarades de tanière partagent toujours », répondit la chatte noire.
Nuage Bleu mordit joyeusement dans la grive. La saveur forestière de la chair réjouit ses papilles et elle remarqua à peine les bruits de pas derrière elle.
« Demain, je t’emmène chasser. »
Surprise, elle se retourna et découvrit Pelage de Pierre.
« Vraiment ? demanda-t-elle après avoir dégluti.
- Nous partirons à midi. Nous verrons si tu es capable de mettre en pratique ce que tu as appris aujourd’hui pour capturer une vraie proie. »
L’apprentie le regarda rejoindre Croc de Vipère et Taches Fauves près du bouquet d’orties. Elle était si heureuse qu’elle en avait le tournis ! Elle avait hâte que Nuage de Neige revienne pour lui raconter sa journée. Il n’y avait rien de mieux au monde qu’être une apprentie du Clan du Tonnerre !
Ramure du Cerf- Modérateurs
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